Pour terminer notre série sur les services mobiles et les conserveries itinérantes, nous vous proposons trois témoignages concrets : deux camions, un maraîcher, des chiffres et même des recettes !
JULIE & FAUSTINE DE L'ECONOME (VAR)
L’Économe est un projet de conserverie mobile et solidaire qui sillonne le Var, cofondé par Julie Hermet et Faustine Bauchu.
L’association a vu le jour en 2017 autour de l’axe du gaspillage alimentaire, en constatant que certains producteurs ne parvenaient pas à vendre tous leurs produits tandis que des personnes dans le besoin peinent à s’approvisionner en produits frais.
Plusieurs étapes ont précédé le choix d’une conserverie mobile : récupération d’invendus sur les marchés, dons aux associations et transformations avec des bénévoles au profit des associations et des bénéficiaires, animation et sensibilisation sur la question du gaspillage alimentaire.
En 2019, à force de côtoyer les producteurs, les fondatrices prennent conscience du besoin pour ceux-là de transformer leur surplus. Mais la plus grande contrainte pour les producteurs reste celle du temps, incompressible : l'exploitation occupe déjà toutes leurs journées, il ne leur est pas possible de libérer du temps supplémentaire pour transformer ponctuellement. Les conserveries de la région sont fixes, et pour certains trop éloignées pour justifier le temps de déplacement. C’est ainsi que leur est venue l’idée de créer un outil mobile permettant au producteur d’assister à la fabrication et de ne pas se déplacer.
Inspirées du projet de Romans-sur-Isère, elles ont franchi le pas avec l’arrivée de l’épidémie de covid-19 : les mesures sanitaires ont en effet fortement mis à mal l’activité d'animation d’ateliers qui était un pilier économique de l’association. Il leur est alors apparu nécessaire de développer une nouvelle activité, la transformation à façon sur place pour les producteurs.
La création de l'outil fut un gros challenge financier et les cofondatrices ont été agréablement surprises par la réponse positive des soutiens institutionnels et du financement participatif.
Une fois financé, l’outil mobile, prêt 6 mois plus tard, a inauguré son activité le 26 juin 2021 chez un premier producteur.
La conserverie a gardé son statut associatif, et migrera sans doute vers une SCIC ou SCOP. L’activité de récupération des fruits en fin de marché et des ateliers de conserve se fait toujours avec les bénévoles.
Recette de la ratatouille by l'Économe
- 2 personnes pour la préparation
- 1 autoclave (75 pots par session)
- 70 kg de légumes bruts
- 150 pots de 330g
- Temps de préparation à deux : 7h (découpe 3h - cuisson et assaisonnement 1h - mise en pot 2h - étiquettes 1h)
- Temps de cuisson : 5h (2 x 2h30)
ANAÏS & SIMON DE LA CONSERVERIE MOBILE ET SOLIDAIRE (ROMANS-SUR-ISERE)
A conserverie mobile, projet mobile !
Le projet fut lancé à l’origine par des maisons de quartier pour lutter contre le gaspillage alimentaire et faciliter l’accès à une alimentation de qualité pour tous. Il visait une autonomie financière fondée sur deux leviers : la vente de bocaux et la participation de bénévoles. Le projet présentait deux difficultés majeures : d’une part une équipe constituée de bénévoles et de travailleurs sociaux déjà fort occupés, d’autre part l'exiguïté du camion. Cela a conduit à expérimenter d’autres modèles avec de nouveaux porteurs de projet, Anaïs et Simon.
Pour eux, la construction du projet est indissociable d’une bonne analyse préalable du territoire et de ses besoins. Concernant le projet de Romans-sur-Isère, il est apparu que le volume de l’autoclave, 80l, ne s’avérait pas toujours pertinent par rapport au territoire, et déplacer 3,5 tonnes de matériel pour produire 200 kg de légumes pas systématiquement rentable. Avec leur outil, la rentabilité en conserverie mobile n’est pas atteinte en dessous de 250 kg par jour de travail à façon.
Héritant du projet en 2021, ils expérimentent différentes activités depuis plusieurs mois, et se tournent aujourd’hui vers une autre type de mobilité : aller à la rencontre de collectifs citoyens, pour créer du lien, échanger des recettes, qui seront expérimentées, retravaillées, et partagées avec d’autres ensuite. Il s’agit de favoriser un échange continu, un maillage de savoirs, de pratiques et d’outils, transmis grâce à la mobilité de l’équipe. Le camion sera allégé, avec des pratiques de conserverie plus accessibles au grand public et moins énergivores : lactofermentation, autopasteurisation (sans autoclave), séchage, avec sensibilisation aux saveurs et aux saisons et l’achat à prix juste de produits aux producteurs locaux.
La conserve devient un support du projet, un support au voyage, aux envies, aux légumes. L’idée est de s’intégrer et dynamiser un mouvement global du territoire. La forme de SCIC incluant réseaux d'entraides, maisons de quartiers, producteurs, collectifs citoyens et agglomération se conforme bien à ce modèle.
Mots-clés : partage des connaissances, partage des produits, entraide, coopération, mutualisme.
Un activité de production devrait perdurer mais de façon fixe, sans aller nécessairement sur tous les lieux de production. Le projet mise pour le moment à 40% sur l’animation, et à 60% sur la production en atelier fixe de bocaux avec de la vente directe sur les marchés, notamment pour se rendre visible.
Les activités se dérouleront en partenariat avec les producteurs, plutôt qu’à partir de la récupération d'invendus.
Production envisagée : objectif de 5 tonnes et 9000 bocaux par an, en plus d’une production solidaire.
Recette d'un projet idéal
- Une épicerie solidaire bio du Diois qui commande et finance une prestation d’atelier de transformation collectif
- Légumes vendus (et en partie donnés) par un magasin de producteurs
- 15 bénéficiaires des Restos du Cœur qui participent à l’atelier à la fin duquel ils repartent avec 10 bocaux chacun.
- Le reste des bocaux qui bénéficiera à l’aide alimentaire
- Bocaux de qualité, d’une valeur de 7€ s’ils étaient vendus en épicerie fine
LE POINT DE VUE DU MARAÎCHER
Bruno Oberti, maraîcher qui cultive en bio sur 3 hectares à la Seyne-sur-Mer, travaille régulièrement avec la conserverie mobile de l’Économe.
Pour lui, la transformation constitue principalement un moyen de valoriser ponctuellement les surplus. Il se rendait précédemment dans un atelier à La Ciotat, mais faire appel à la conserverie mobile représente un énorme gain de temps de transport, qui était son principal obstacle à la transformation.
En prévoyant une transformation au moment d’une vente à la ferme, la venue du camion crée une animation qui amène beaucoup de vente sur place additionnelle.
Le seul aménagement nécessaire fut l'ajout d’une prise pour l'accès à l’électricité, qui lui a coûté 80€, investissement sans commune mesure avec celui de ne-serait-ce qu’un seul déplacement vers une conserverie fixe.
Selon lui, la principale difficulté avec la transformation, fixe ou mobile, c’est d’anticiper les surplus, particulièrement avec les produits frais comme les tomates. Il s’avère préférable de réserver un créneau au cas où, quitte à annuler, ou de produire en permanence et de transformer quoi qu’il arrive. Pour cela, l’Économe a mis en place un jour d’urgence par semaine, sans réservation.
Concernant les capacités de transformation, les volumes restent un peu justes, mais pour des productions plus importantes, il fait appel à la conserverie fixe. Les deux demeurent complémentaires.
“Enfin, pouvoir goûter la recette avant sa finalisation s’avère vraiment utile, cela permet d’ajuster les saveurs en fonction des attentes, de valoriser nos produits à notre goût !”
Crédit photos : pages Facebook des 2 conserveries et La Seyne-sur-mer (Bruno Oberti)