Après avoir épluché le sujet des conserveries et mis sur la table celui des services mobiles pour les agriculteurs, nous allons voir comment passer du champ au bocal en zéro kilomètre avec les conserveries mobiles. Fraîcheur garantie !
TOUR D'HORIZON DES CONSERVERIES MOBILES
Les initiatives de conserverie mobile sont encore rares, voici celles que nous avons pu relever.
La conserverie mobile et solidaire, pionnière en France, a été constituée par trois maisons de quartier de Romans-sur Isère dans la Drôme avec pour objectif d’aider ceux qui ont peu de moyens à manger sain et local et de lutter contre le gâchis alimentaire. Aujourd’hui le projet à évolué, nous l'évoquerons dans la suite de l’article. Interview pour notre blog
Le laboratoire mobile de l’Économe se déplace chez les producteurs pour assurer la transformation en direct de leurs fruits et légumes en surplus pour éviter le gaspillage. Nous avons eu l’occasion d'accompagner les fondatrices du projet sur la modélisation économique, la stratégie commerciale et la campagne de financement du projet. Interview pour notre blog
À Dieppe, la Petite conserverie, projet coopératif, se concentre essentiellement sur le lien social, la valorisation des savoir-faire et de l’alimentation de proximité.
Au tour du pot, c’est le camion québécois qui sillonne la Gaspésie. Ses mots-clés : anti-gaspi, production à façon, mise en bocaux, lactofermentation et ateliers.
A Liège : La Conserverie Solidaire est un atelier itinérant professionnel consacré exclusivement à la sensibilisation et à la formation aux techniques de conservation des fruits et des légumes.
Sur les cinq projets relevés, deux font de la production une activité principale, véritable service mobile pour les agriculteurs, les autres se tournent plus volontiers vers la formation et la sensibilisation. Tous proposent des ateliers, et mettent le lien humain au cœur de leur activité. Tous ont une motivation qui dépasse l'intérêt économique : créer du lien et de la solidarité sur le territoire, sauver des productions et limiter le gaspillage, favoriser l'accès à une alimentation de qualité pour des personnes démunies, l’échange de savoirs, la sensibilisation à une alimentation locale et de saison.
LES AVANTAGES DE L'OUTIL MOBILE
Proposer un service de conserverie mobile permet de se différencier, en apportant une offre innovante et sur-mesure aux agriculteurs. C’est un outil qui s'adapte au territoire et aux besoins des maraîchers.
Pour les producteurs, c’est avant tout le temps économisé en transport qui représente un avantage majeur. Pour une partie de ceux qui travaillent avec l’Économe, c’est la seule solution pour valoriser les surplus. Sans service mobile, ils auraient renoncé à la transformation et sans doute jeté une partie de leur production. C’est également une garantie de fraîcheur, car en conserverie fixe, certains produits sont stockés en chambre froide ou congelés, le temps que le laboratoire soit en mesure de les transformer. Pouvoir assister à la fabrication permet d'ajuster la saveur avant la mise en pot, et de s’accorder sur le goût souhaité, de faire des recettes sur mesure. C’est un moment d'échange important, qui permet de créer des liens, notamment quand la transformation a lieu un jour de vente à la ferme.
Pour les porteurs de projets rencontrés, le plaisir de voyager, de découvrir de nouveaux endroits, d’aller à la rencontre des autres, sans routine, constitue un attrait important. Le métier étant par ailleurs assez exigeant, cette envie ainsi que la satisfaction de sauver des légumes et d’aider les agriculteurs sont véritablement moteurs du projet mobile. L’outil ambulant représente également un support efficace de communication qui permet de se rendre visible sur la route, durant les déplacements et les animations.
Enfin, à l’égard les activités de sensibilisation et de formation, un laboratoire mobile clé en main facilite les partenariats avec les maraîchers, collectifs de jardins partagés, associations et centres sociaux intéressés. L’outil se déplace et s’adapte.
CE QU'IL FAUT SAVOIR AVANT DE S'ENGAGER
Le territoire
Il est essentiel de bien analyser le territoire : la présence d’autres conserveries, les distances à parcourir, l'accessibilité, la taille des exploitations. Dans le Var, la majorité des exploitations avec lesquelles l’Économe travaille font de 1 à 3 hectares, ce sont des petites surfaces. Pour les plus gros producteurs, qui souhaiteraient transformer de plus grandes quantités, la conserverie mobile ne serait pas suffisante.
Encore plus qu’en conserverie fixe, finement évaluer les volumes de productions possibles en fonction des outils s’avère donc primordial, car l’espace n’est pas extensible à volonté : l’Économe par exemple dispose d’une marmite de 100 litres pour la cuisson des préparations avant mise en bocal, cela conditionne la capacité de production à la journée. L’association réfléchit déjà à se doter d’outils un peu plus grands pour produire plus.
Enfin, une conserverie mobile ne dispense pas de se doter d’un espace de stockage fixe et d’un lieu sûr pour stationner le véhicule.
Du côté des agriculteurs
Il est essentiel de bien connaître l’accessibilité géographique des exploitations : l’accès à certaines passe parfois par des chemins escarpés, pas toujours praticables avec un camion lourd : il est donc recommandé de bien se renseigner au préalable.
Les températures sont à prendre en compte : l’été il n’y a pas toujours d’ombre où se garer, la température peut être très élevée dans le véhicule, pouvant compromettre les conditions de travail ( tant pour le légume que pour celui ou celle qui le transforme !).
Un raccordement électrique avec une prise de 20 A est nécessaire pour brancher le camion. Pour l’Économe, la moitié des agriculteurs concernés n’en étaient pas dotés. Il est cela dit très facile et peu coûteux d’en installer une, et cela n’a jamais constitué un obstacle rédhibitoire. Toutefois, mieux vaut l’évoquer avant de se déplacer.
Pour bénéficier du label AB sur les produits transformés, les producteurs en agriculture biologique doivent demander une extension de contrat ecocert pour l’activité de mise en bocaux qui se fait sur leur domaine.
Le temps
Il faut savoir que c'est un travail qui prend du temps, on y passe plus de 35h, les amplitudes horaires peuvent être importantes. “Il faut également beaucoup de courage, c’est un travail physique et prenant” rappelle Julie de l’Économe.
Le temps d’autoclavage des produits constitue un facteur à bien calculer : il faut environ 5h pour deux sessions, ce qui représente un défi pour préparer rapidement les légumes en début de journée et ne pas finir trop tard.
Se faire accompagner sur la modélisation de l'outil et l'organisation du travail permet d’en gagner, du temps : “l’aide du DLA et de l’Ademe nous a permis de gagner des mois de travail !” assure Julie.
Une activité saisonnière
L’aspect saisonnier est comme pour les autres conserveries, très marqué : pour l’Économe, l’été 2021 a démarré sur les chapeaux de roue, le planning de tout l’été était plein en deux semaines, avec des surplus à traiter de façon urgente ; certaines demandes de producteurs n’ont pu être satisfaites. De ce fait, la saison estivale 2022 se prépare déjà fin 2021, afin de trouver une organisation optimale pour tous. À la différence d’une conserverie fixe, la conservation en congélateurs pour répartir la transformation sur de plus grandes périodes est difficilement envisageable.
Un modèle économique mixte
Les conserveries itinérantes, par leur mobilité et leur limite de capacité de production, se prêtent bien à des modèles économiques mixtes mêlant prestations à façon, production en nom propre, production solidaire, ateliers et animations.
L’Économe cherche actuellement un équilibre entre production à façon, c'est-à-dire prestations pour le compte de producteurs qui vendront ensuite sous leur propre marque (90% de l’activité l’été), et production en marque propre, notamment l’hiver, à partir des dons et surplus. La prestation est calculée au bocal, avec l’objectif de laisser 30% de marge sur le pot final au producteur.
Si le coût au bocal pour le producteur peut s’avérer un peu plus élevé qu’en conserverie fixe, il inclut cependant les coûts et temps de transport qu’il économise de son côté.
Côté porteurs de projets, à la différence d’une conserverie fixe, les coûts en énergie seront reportés majoritairement sur le carburant, puisque l’électricité nécessaire à la production sera fournie par le producteur.
Les espaces des conserveries mobiles étant réduits, un maximum de deux ou trois personnes peuvent y travailler simultanément. À Romans-sur-Isère comme dans le Var, deux salariés à 35h font vivre les activités actuellement.
Aménagement et financement
L’économe a fait le choix d’un espace de production mobile de 9m2, qui permet de produire 50-100 kg par jour sur une durée de 9h environ. C’est aussi le choix d’un véhicule qui ne nécessite pas de permis poids lourd, moins coûteux également à déplacer. Cette capacité de production permet à l’association de travailler à façon régulièrement avec environ 20 producteurs.
Pour financer le camion complet, l’association a construit un financement à plusieurs volets comprenant une subvention de la métropole TPM, du mécénat et des fonds ADEME/DRAAF Région Sud obtenus en répondant à un appel à projet sur la ligne budgétaire du gaspillage, une aide de la DDSCPP en lien avec les donations alimentaires, ainsi qu’une aide du plan France Relance sur l’alimentation locale et durable. Ces subventions ont permis de financer l’outil de production mobile pour un coût de 90 000€, autoclave inclus, sans le petit matériel qui lui fut entre autres financé par la campagne de financement participatif réalisée avec Tudigo.
À Romans-sur-Isère, un camion produisant le double, avait nécessité au départ un investissement d’environ 150 000€, incluant la formation et les postes de travail.Dans les deux cas, les plans des camions conserverie ont été élaborés avec l’appui de la SERT, un spécialiste d'outils mobiles (civils et militaires) situé à Romans-sur-Isère. L'entreprise s’occupe de tout, recherche du véhicule inclus.
Crédit photos : Association L'économe